Un des moyens de percer le
mystère de ces insectes consiste à
étudier leur génome. Le
séquençage du génome d'Apis
mellifera vient justement d'être
réalisé par un consortium international,
the Honeybee Genome Sequencing Consortium, dont les
travaux sont présentés dans
l'édition de la revue Nature du jeudi 26 octobre.
Cette étude génétique de l'abeille a
été effectuée en 2004 et 2005 au
Baylor College of Medicine de Houston (Texas). Elle a
permis d'identifier 10 500 gènes, et vient
compléter le séquençage du
génome de la drosophile (2000), de
l'anophèle (2002) et du ver à soie
(2004).
"C'est une porte ouverte vers
l'avenir, car, jusqu'à présent, la
génétique de l'abeille était
très mal connue, explique Michel Solignac,
généticien et professeur à
l'université Paris-Sud, qui a participé
à l'étude. Les données du
séquençage vont maintenant être
distribuées aux différentes équipes
participant au projet. Car il reste à
étudier l'expression de ces gènes et leur
transcription en protéines."
L'étude génétique
de l'abeille a déjà permis d'établir
qu'Apis mellifera est originaire d'Afrique, et qu'elle
s'est ensuite répandue en Europe et en Asie. Deux
de ses sous-espèces ont atteint l'Amérique
du Nord au XVIIe siècle. On a découvert
également que les abeilles - notamment par rapport
à la drosophile ou au moustique - possèdent
beaucoup de gènes relatifs à l'odorat, mais
peu concernant le goût.
VULNÉRABLE
AUX PRODUITS CHIMIQUES
Enfin, il semble qu'Apis mellifera
soit "bien moins armée que les autres insectes
pour lutter contre les produits chimiques, car elle a un
déficit très important en enzymes de
détoxication", précise René
Feyereisen, généticien moléculaire
et directeur de recherches à l'Institut national
de la recherche agronomique à Sophia-Antipolis
(Alpes-Maritimes). Cette faiblesse, alliée
à une mauvaise résistance aux parasites,
pourrait expliquer en partie la mortalité
importante des abeilles constatée en France depuis
plusieurs années.
Une situation inquiétante : les
abeilles sont menacées un peu partout, alors
"qu'elles sont les premiers pollinisateurs sur Terre",
rappelle Gene Robinson, directeur du Bee Research
Facility de l'université de l'Illinois, un des
instigateurs de l'étude du génome de
l'abeille. "35 % de la production mondiale de nourriture
résultent de la production de cultures
dépendant des animaux pollinisateurs", note
à ce sujet une étude qui vient d'être
publiée dans les Proceedings of the Royal
Society.
Cette faculté pollinisatrice
des abeilles est très ancienne. Des chercheurs de
l'université de l'Oregon viennent d'ailleurs de
découvrir la plus ancienne abeille connue, vieille
de 100 millions d'années. Emprisonnée avec
du pollen dans de l'ambre fossilisé provenant du
nord de la Birmanie, elle a été
baptisée Melittosphex burmensis. Décrite
dans l'édition de la revue Science du vendredi 27
octobre, elle est longue de 2,95 mm seulement et
possède à la fois certains
caractères des abeilles et des
guêpes.
L'activité pollinisatrice des
abeilles a eu un effet considérable sur
l'évolution de la vie, car elle a contribué
à l'expansion rapide et à la
diversification des plantes à fleurs qui donnent
des fruits. Un groupe qui représente aujourd'hui
80 % des végétaux sur Terre.
Christiane Galus
Article paru dans l'édition
du 27.10.06. "