Le ministère de
l'agriculture, occupé jeudi 26 février par la
Confédération paysanne, a choisi, au
contraire, d'autoriser l'écoulement des stocks
contenant cet insecticide accusé de tuer les abeilles
Plusieurs organisations ont réagi,
vendredi 27 février, aux documents que la
Confédération paysanne a diffusés
à la presse, la veille, alors que le syndicat
occupait le bureau du directeur général de
l'alimentation. Ces notes ou lettres ont été
trouvées sur place par les manifestants, qui
demandaient l'interdiction immédiate du fipronil, la
molécule active d'insecticides comme le
Régent, soupçonnée de tuer les
abeilles. Etaient notamment évoquées des
études avançant un risque pour l'homme.
La Mutualité sociale agricole
(MSA) tient ainsi à préciser qu'elle n'a vu
remonter depuis 1997 que 12 signalements d'intoxication au
fipronil, dont trois seulement considérés
comme "vraisemblables" : deux diarrhées et une
irritation cutanée. "Il s'agissait de fipronil
associé à d'autres modes d'exposition dans la
manipulation des semences traitées", explique le
docteur JeanPierre Grillet, médecin conseiller
technique national de la MSA.
Concernant la nocivité de cette
molécule, le docteur Grillet estime qu'"on ne peut
pas tirer de conclusions formelles, pour le fipronil comme
pour les autres molécules". "Sur les effets à
court et moyen terme, on peut être rassuré. Sur
les effets à long terme, il faut attendre dix, vingt
ou trente ans pour obtenir des études
épidémiologiques. Et encore sera-t-il
difficile d'isoler une molécule comme responsable",
estime le médecin, qui annonce pour la fin de
l'année une étude
épidémiologique "produit phytosanitaire et
cancer", réalisée auprès de 80 000
agriculteurs.
ENQUÊTE SUR LES
DISPARITIONS
Par ailleurs, le ministère de
l'agriculture affirmait ironiquement, vendredi dans un
communiqué, que le travail mené par le centre
antipoison Fernand-Widal de Paris "est tellement secret
qu'il est en ligne sur le site Internet de la
société de toxicologie publique depuis
novembre 2003"(www.stc-congres.org). L'étude
relève 182 cas humains notifiés d'intoxication
au fipronil, bénins pour la plupart. "Les autres
documents invoqués sont des notes administratives
à caractère purement préparatoire",
affirme le ministère, qui estime que "la
Confédération paysanne tente aujourd'hui de
développer artificiellement une polémique en
invoquant des documents prétendument secrets". La
police judiciaire parisienne a été saisie
d'une enquête portant notamment sur ces disparitions.
Le ministère a cependant
publié, vendredi 27 février, au Journal
officiel un décret précisant dans quelles
conditions pourront être écoulés les
stocks de semences traitées au Régent,
conformément à l'annonce faite, le 23
février, par Hervé Gaymard, le ministre de
l'agriculture. Semenciers et agriculteurs ont jusqu'au 31
mai pour écouler leurs stocks. Dans son
édition du 1er mars, Agra presse hebdo chiffre
à 300 millions d'euros, d'après les
estimations de professionnels, ce qu'aurait
coûté au ministère l'indemnisation pour
le retrait immédiat des stocks chez les agriculteurs
ou les distributeurs.
Vendredi, l'Union nationale de
l'apiculture française (UNAF) s'est
inquiétée que le fipronil puisse encore
être utilisé cette année. Dans plusieurs
départements, les apiculteurs ont
déposé des plaintes contre des distributeurs
de semences ou des coopératives qui commercialisent
des préparations avec cette molécule. C'est le
cas en Vendée et en Haute-Garonne. Le Gers, le Tarn,
l'Ariège, le Loiret s'apprêtent à faire
de même.
Jean-Marie Sirvins, président de
l'UNAF, a demandé aux agriculteurs de ne pas utiliser
de semences traitées au Régent, faisant valoir
l'incertitude juridique qui pèse sur leurs
utilisateurs. Les apiculteurs rappellent l'instruction
judiciaire actuellement en cours à Saint-Gaudens
(Haute-Garonne) et la mise en examen qui pèse sur le
propriétaire du Régent, BASF. Ce produit "ne
justifie aujourd'hui d'aucune autorisation administrative
lui permettant d'être utilisé de quelque
manière que ce soit sur le territoire national", a
insisté Me Bernard Fau, l'avocat de l'UNAF.
BASF a confirmé, jeudi 26
février, qu'il pourrait contribuer au financement
d'une étude prouvant que son principal insecticide
est sans danger pour les abeilles. Les syndicats CFDT,
CFE-CGC, CFTC et FO de la société Bayer
CropScience, qui fabrique l'insecticide Gaucho,
également soupçonné de malmener les
ruchers, ont, de leur côté,
dénoncé vendredi les "mauvaises pratiques
apicoles provoquant une surmortalité des abeilles",
qui font "payer à d'autres leurs propres erreurs". La
Fédération nationale des organisations
sanitaires apicoles départementales (Fnosad) s'est
déclarée indignée de telles
affirmations.
Benoît
Hopquin
•SOURCE: http://www.lemonde.fr/
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