"Il porte un nom de velours,
Vespa velutina, pour mieux dissimuler des mandibules de fer.
Tout de noir vêtu, tel l'ange exterminateur, il
sème la terreur parmi les colonies d'abeilles du
Grand Sud-Ouest. Les apiculteurs sont sur le pied de guerre,
les entomologistes pris de court... Ce frelon asiatique
appartient à la sous-espèce nigrithorax. Sa
couleur uniformément brun foncé,
soulignée par une unique bande jaune orangé,
le distingue du frelon européen, Vespa crabro,
à la tête et au thorax rougeâtres et
à l'abdomen rayé de jaune et de noir.
Repéré pour la
première fois en France à l'automne 2005, dans
le Lot-et-Garonne, il a depuis essaimé à vive
allure. On le signale aujourd'hui en Dordogne, en Gironde,
dans les Landes, dans le Tarn-et-Garonne, la Haute-Garonne
ou les Hautes-Pyrénées, et les
spécialistes s'attendent à le voir
bientôt pousser jusqu'à l'Espagne.
Comment cet hyménoptère,
originaire de lointaines contrées allant du nord de
l'Inde aux montagnes de Sumatra, en passant par la Chine et
le Bhoutan, est-il arrivé sur le continent
européen ? Peut-être par bateau avec une
cargaison de poteries chinoises importées, depuis la
province du Yunnan, par un producteur aquitain de
bonzaïs. Toujours est-il qu'il s'est "bel est bien
acclimaté dans notre pays, puisqu'il est capable d'y
nidifier, de s'y reproduire et que les femelles
reproductrices y passent l'hiver", observe Claire Villemant,
du Muséum national d'histoire naturelle de
Paris.
Avec sa petite taille,
légèrement inférieure à celle du
frelon d'Europe, et son absence d'agressivité envers
les humains - dès lors que ceux-ci n'approchent pas
de ses nids -, cet envahisseur passerait inaperçu
s'il ne se révélait un redoutable
prédateur.
DÉFENSE EFFICACE
A la différence de Vespa crabro,
qui se nourrit et gave ses larves de chenilles, mouches et
insectes variés, Vespa valutina est friand
d'hyménoptères sociaux et d'abeilles en
particulier. Des apiculteurs relatent des scènes
quotidiennes d'attaques de leurs butineuses par des
escadrilles de frelons qui en font, si l'on peut dire, leur
miel. La littérature scientifique rapporte qu'en
Chine, ces exécuteurs ailés - qui
n'hésitent pas à pénétrer
à l'intérieur des ruches, après avoir
décimé leurs gardiennes, pour prélever
le couvain - peuvent ravager jusqu'à 30 % d'une
colonie.
"L'ampleur de l'invasion est telle que
l'éradication n'est plus envisageable", constate
Claire Villemant, qui juge néanmoins indispensable de
"suivre l'expansion" du nouveau venu, ainsi que
d'étudier son impact sur les populations de frelons
autochtones.
La nature ayant des ressources, les
abeilles pourraient trouver elles-mêmes la parade, en
imitant leurs homologues asiatiques. Celles-ci ont
développé une stratégie de
défense très efficace, consistant à se
masser autour de leur agresseur en agitant
frénétiquement leurs ailes : en quelques
minutes, la température du groupe atteint 45 oC,
chaleur à laquelle elles sont capables de
résister mais qui provoque la mort par hyperthermie
du frelon noir, cuit à l'étouffée.
Pierre Le Hir".
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